Radiodiffusion. Question juive, épuration administrative pour faits de collaboration, "commission de la guillotine "

Identifier
F/43/170-F/43/172
Language of Description
French
Dates
1 Jan 1941 - 31 Dec 1954
Source
EHRI Partner

Scope and Content

La Radiodiffusion Nationale possédait, depuis la dernière guerre, un fonds d'archives relatif au artistes musiciens des orchestres de la Radiodiffusion française pendant et après la deuxième guerre mondiale. Ce fonds, qui s'est révélé être d'un grand intérêt historique, a été collecté par le Service d'Archives Ecrites de Radio France en janvier 1990 auprès de l'Administration des Formations Permanentes, service appartenant à la Direction des Programmes, Formations Permanentes et Services Musicaux. Après avoir été classées et inventoriées, ces archives ont été transférées aux Archives Nationales, et versées à la Section Contemporaine (Hôtel de Rohan), le 17 mai 1990, sous le numéro 90-18, sous la cote F 170 à 172 (Radiodiffusion et Télévision).

L'inventaire fait apparaître l'organisation du fonds selon trois parties principales :

. Artistes musiciens juifs (1941-1947)

. Epuration administrative pour faits de collaboration (1944-1954)

. Comité interministériel dit "de la guillotine" (1947-1948)

Déjà, , de 1941 à 1947, relative aux artistes musiciens juifs ou présumés tels, montre clairement l'intérêt historique des documents. Les dossiers, retrouvés quarante ans plus tard dans le service administratif d'origine, éclairent cruellement les réalités de cette période sombre, des réalités difficiles à imaginer aujourd'hui.

Ce ne sont pas tellement les lois, actuellement bien connues, du gouvernement de Vichy, en date du 17 juillet et 3 octobre 1940, puis du 2 juin 1941 portant statut des juifs (N° 2332) et prescrivant le recensement des juifs (N° 2333) - cf. copies en annexe - qui surprennent. Ce qui frappe surtout c'est la façon dont ces lois sont exécutées : avec une application empressée, -on serait tenté de dire enthousiaste-, par des administrateurs zélés.

Un exemple : la " " élaborée élaborée pour l'application des lois du 2 juin 1941 - N° 2332 remplaçant la loi du 3 octobre 1940 portant statut des juifs et N° 2333 prescrivant le recensement des juifs -. Cette fiche a été établie avec promptitude : cf. projet manuscrit, puis projet dactylographié du Chef de la Section Administrative des Programmes, à Marseille. Celui-ci soumet le document pour approbation -avec la mention "Extrême urgence"- au Directeur des Services généraux de la Radiodiffusion Nationale (note du 19 juillet 1941).

L'accord du Directeur, à Vichy, est immédiatement donné, malgré la note manuscrite qu'il porte en marge de la demande, indiquant qu'il eût été plus normal que cette initiative pour un projet de fiche émane du Bureau du personnel.

Déjà, le 1 août 1941, l'impression de cette fiche est commandée à l'imprimeur, avec tirage à 5.000 ( !) exemplaires. Par notes datées du 9 août, le Chef de la Section Administrative des Programmes demande aux responsables des orchestres de faire remplir les fiches, "dans le moindre délai", aux "artistes juifs ou présumés tels, utilisés (sic !) de manière habituelle dans les émissions".

Les résultats ne se font pas attendre : dès le 11 août, des fiches remplies lui sont envoyées. Le Commissariat aux Questions Juives se trouve ainsi très rapidement informé de'l'appartenance à la race et à la confession juive" des artistes musiciens, ainsi que de celle de leurs parents et grands-parents.

Une preuve de la célérité avec laquelle ces mesures sont appliquées : par sa note DP N° 3197 du 2 décembre 1941, le Directeur des Programmes et des Services Artistiques de la Radiodiffusion Nationale envoie une liste de cinq feuillets, énumérant sur trois colonnes les noms de presque 800 ( !) artistes. La liste, qui porte le titre éloquent "Liste d'interprètes présumés israélites", contient parmi tous les collaborateurs de la Radiodiffusion Nationale des noms qui pourraient surprendre si l'on ne prend pas en compte un zèle administratif tout à fait inhabituel : George Gershvin, Benny Goodman, Jascha Heifetz, Vladimir Horowitz, Eugène Jochum, Otto Klemperer, Jehudi Menuhin, Darius Milhaud, Serge Prokofieff.

Dans ce même document, le Directeur des Programmes précise en outre : "Je profite de cette note pour vous rappeler que nous avons adressé le 26 août, par une lettre référence n° 1.395 au Commissariat Général aux Questions Juives à Vichy, une liste de compositeurs, arrangeurs, et chefs de musique présumés israélites. Cette lettre étant restée sans réponse, nous avons relancé le Commissariat aux Questions Juives le 16 octobre par une lettre, référence 2.376, dont M. le Directeur Général, M. PLACE et vous-même avez reçu copie."

de cette "efficacité" administrative frappent par le contraste navrant qu'ils présentent avec cette promptitude étonnante dans l'exécution des lois. Le fonds contient maints documents montrant les démarches et les efforts désespérés déployés pour ne pas tomber sous le coup de ces lois frappant d'interdiction, à quelque poste que ce soit, les collaborateurs réguliers ou occasionnels de la Radiodiffusion Nationale.

L'on pourrait citer de nombreux cas d'artistes dont les dossiers illustrent à la perfection les procédures et les raisonnements hallucinants entourant la délivrance du "Certificat de non appartenance à la race juive". Ceux qui doivent fournir les preuves requises sont mis en "congé d'expectative" A ceux qui ne fournissent pas immédiatement la preuve de leur "situation de non Juifs", on accorde des délais et des sursis (1 semaine, quinze jours, par exemple). Menaces de licenciement ou de poursuites judiciaires sont adressées aux personnes ayant répondu "de façon erronnée" à la fiche de renseignements. Tout artiste n'étant pas en mesure de présenter le Certificat est frappé d'interdiction à la Radiodiffusion Nationale.

Cette première partie débouche sur les aux artistes musiciens contractuels victimes des lois d'exception" : réintégration, reclassement, indemnisation. Une fois encore, les artistes musiciens n'ont pas de chance : le Conseil d'Etat confirme la position du Ministre des Finances prévoyant que les dispositions de l'article 8 de "l'ordonnance du 29 novembre 1944, relative à la réintégration des fonctionnaires victimes des lois d'exception" ne sont pas applicables aux musiciens contractuels de la radiodiffusion française...

Toutefois, le Ministre des Finances reprend à son compte l'avis émis par le Conseil d'Etat, stipulant qu'il est équitable d'accorder une allocation aux intéressés. En conséquence, les musiciens pourront bénéficier d'une allocation fixée à 20 % (sic !) de leur rémunération antérieure pour les musiciens célibataires et à 40 % pour les musiciens mariés, plus 10 % par enfant à charge.

, de 1944 à 1954, porte sur l'épuration administrative pour faits de collaboration. La première ordonnance, en date du 27 juin 1944, est publiée dans le Journal Officiel encore imprimé à Alger. Par un arrêté du 27 octobre 1944, paru au Journal Officiel de nouveau publié en France, est créée, au Ministère de l'Information, une "Commission d'épuration de la Radiodiffusion", en vue d'appliquer l'Ordonnance du 27 juin 1944. Cette commission est chargée de "rechercher les fautes commises depuis le 16 juin 1940 par les agents de l'administration de la radiodiffusion, quels que soient leur dénomination et leur statut".

Cette partie du fonds s'ouvre avec un grand nombre de dossiers nominatifs, tous datés de l'année 1945. L'inventaire énumère les pièces constitutives des dossiers individuels (dits " ") des divers personnels de la Radiodiffusion : procès - verbaux de la Commission d'Epuration (avis de culpabilité et sanctions), arrêtés d'interdiction définitive d'exercer toute profession à la Radiodiffusion Française, notifications de licenciement ou de mise en non-activité pour une période allant de 3 mois à 2 ans, notifications d'acquittement, listes des personnes révoquées ou mises en disponibilité, etc..

Suivent des documents couvrant la période 1945 - 1954 : d'abord, de la correspondance, des notes de service, les listes nominatives des personnes concernées par l'Epuration administrative (1945- 1952 Ensuite, la loi n° 53-681 du 6 août 1953 portant amnistie, et une note de service du 27 février 1954, signée par le Directeur général de la Radiodiffusion - Télévision Française, et établie pour l'application de cette loi.

témoigne de la difficile situation nationale après la guerre et, surtout, de la façon dont les mesures prises pour rétablir l'économie nationale frappent, une nouvelle fois, les artistes musiciens. La loi n° 47-1 127 du 25 juin 1947 "portant (sic !) " et le décret n° 48-5 du 2 janvier 1948 "portant réalisation d'économies au titre de la Présidence du Conseil (Direction générale de la Radiodiffusion Française)" constituent des repères fondamentaux pour cette période.

Les mesures prises en 1947-1948 furent radicales : fermeture des studios de six villes de province, suppression des orchestres permanents de Nice et de Toulouse, ainsi que de la chorale de Marseille, mutations et licenciement de musiciens, etc.

Le fonds d'archives contient des documents relatifs aux travaux de la "Commission paritaire de licenciement", de nombreuses interventions en vue d'éviter la suppression des activités musicales en régions, et, finalement, des pièces concernant le rétablissement des stations, la reprise des émissions régionales au l avril 1948 et la situation des personnels appartenant aux Directions régionales de Nancy, Limoges, Bordeaux et aux Stations régionales de Montpellier, Grenoble, Clermont-Ferrand, Nice.

Introduction (+ Annexes : textes législatifs)

A - Artistes musiciens juifs 1941-1947

B - Epuration administrative et amnistie 1944-1954

C - Comité Interministériel dit "de la Guillotine". 1947-1948

Process Info

  • Par M. Bidault van Tongeren

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